Le 175e anniversaire du Cercle : un rôle social à jouer

Pas d’invité illustre pour le 175e anniversaire du Cercle. Et même pas de discours présidentiel si l’on en croit le programme des festivités. Mais le souci de revenir aux sources avec un exposé historique du Dr. Jean Dubas portant sur la période des origines du Cercle qui fut une période très intéressante de l’histoire de notre capitale cantonale. La République helvétique de 1798 suivie de la période de la Médiation puis de la Restauration de 1815 ont provoqué de très nombreux bouleversements dans notre pays. Et c’est dans ce contexte politique agité que l’on a vu naître et se développer plusieurs associations à Fribourg. Parmi celles-ci on trouve des cercles, des sociétés à but social, des sociétés scientifiques ou littéraires ainsi que de nouvelles abbayes ou confréries.

Nous reproduisons ci-dessous le programme du 175e anniversaire tel que retrouvé dans les archives du Cercle :

PROGRAMME DU 175ème anniversaire

SAMEDI 9 novembre 1991

                10h00             Salle paroissiale de Ste-Thérèse à Fribourg

cérémonie du souvenir

hommage aux défunts

exposé historique présenté par le Dr Jean Dubas

présentation de l’ouvrage de Mme Martine Amey-Vorlet par le professeur Gaston Gaudard

avec la participation de l’Orchestre des Jeunes de Fribourg sous la direction de Théo Kapsopoulos

apéritif                                           

12h30         Hôtel-restaurant du Jura à Fribourg                      

Banquet officiel

 

Selon ses statuts de 1976, le Cercle a pour but, en plus de la promotion des idées libérales-radicales, de favoriser la formation civique des citoyennes et des citoyens ainsi que leur participation à la vie culturelle de la capitale. Dans ce contexte, le Cercle a un rôle social à jouer. Et ce fut notamment le cas à l’occasion de cet anniversaire avec le financement de la publication d’un travail universitaire à caractère social rédigé par Mme Martine Amey-Vorlet, sous la direction du professeur de sciences économiques Gaston Gaudard. Cet ouvrage, dont on peut retrouver encore quelques exemplaires dans les archives du Cercle, s’intitule « La mobilité des personnes âgées dans l’agglomération fribourgeoise ». Un sujet, celui de la mobilité, qui occupe encore le devant de la scène 25 ans plus tard. Comme celui des personnes âgées qui sont de plus en plus nombreuses avec le vieillissement de la population et qui, du fait d’un niveau de santé en constante amélioration, se déplacent de plus en plus.

Le financement d’ouvrages basés sur une réflexion visant à faire avancer notre société demeure par ailleurs un des buts du Cercle. Preuve en est la participation récente au financement d’un ouvrage collectif paru en 2015 chez NZZ Libro sous le titre « Que veut dire être libéral aujourd’hui ? ». Il a été édité par Béatrice Acklin, Yann Grandjean et Fulvio Pelli et il rassemble une série d’entretiens doubles (deux personnes sont à chaque fois questionnées par l’un des éditeurs), en allemand ou en français.

L’ouvrage a pour but de réaffirmer et rafraîchir la pensée libérale sur quelques grands sujets politiques et sociaux : responsabilité sociale (Jean-Pierre Bonny et Jean-Daniel Gerber), migration  (Tibère Adler et Claude Ruey), sphère privée et monde digital (Konrad Hummler et Markus Spillmann), santé (Thierry Carrel et Ignazio Cassis), famille (Suzette Sandoz et Philippe Nantermod), religion et communautés religieuses (Martine Brunschwig Graf et Andrea Caroni), droit et démocratie (Michel Hottelier et Olivier Meuwly) et environnement (Filippo Leutenegger et Thomas Maier).

Mais revenons au 175e anniversaire et à l’ouvrage de Martine Amey-Vorlet. Dans la préface, Gaston Gaudard, directeur du Centre de recherches en économie de l’espace de l’Université de Fribourg, qui a encadré cette étude, pose une question intéressante à propos des motivations ayant pu pousser le Cercle à financer celle-ci : « En quoi une telle préoccupation se rapproche-t-elle d’une Société, dont le nom, aujourd’hui comme depuis 1816, place plutôt l’accent sur l’idée sympathique d’un club assez distingué de lecture et d’un espace de rencontres pour hommes d’affaires ? ». Il s’empresse ensuite de relever que les statuts les plus anciens du Cercle, dans l’article 1, faisaient déjà état d’une volonté d’offrir aux membres « un lieu de récréation, de réunion et d’instruction ». Il relève également que l’action du Cercle est allée bien plus loin que ces trois objectifs initiaux, par exemple lors des périodes de mobilisation lors desquelles « il a manifesté un souci marqué d’accueil, notamment à l’égard des officiers de passage ». Gaston Gaudard met aussi en évidence « l’intérêt du Cercle pour le domaine social ». Il souligne les deux volets sociaux du Cercle en rappelant que celui a comporté, plus particulièrement jusqu’à la fin du premier conflit mondial, « une aile ouvrière qui avait régulièrement à cœur d’évoquer la question sociale ». Le premier volet social est orienté vers la bienfaisance (aide aux démunis de la capitale, par exemple pour les aider à vêtir leurs enfants afin qu’ils puissent se rendre à l’école). Le second volet social concerne l’intérêt public avec la volonté d’encourager le progrès de l’ensemble de la communauté. C’est dans ce contexte que le Cercle a par exemple appuyé l’Association pour l’exploitation du Grand Pont Suspendu en lui octroyant un montant de 8000 francs en 1833. Il en a fait de même en 1838 en accordant 1000 francs pour la construction du Pont sur le Gottéron. Et les exemples ne manquent pas : chemin de fer Berne-Fribourg, promotion de l’éclairage de la ville au gaz, puis de l’électricité. Par ailleurs, le Cercle s’est toujours beaucoup soucié de l’instruction. Et malgré l’anticléricalisme connu des radicaux helvétiques, il a tissé des liens avec le fameux pédagogue Grégoire Girard réputé pour ses idées novatrices. C’est donc bien dans le sens de ce second volet social, celui de la promotion de l’intérêt public, que « paraît se ranger parfaitement l’attention qui est portée en 1991 au problème du déplacement des personnes âgées dans l’agglomération fribourgeoise ». L’occasion également pour Gaston Gaudard d’évoquer « le bel équilibre entre jeunes et les plus anciens » qui caractérise la longue histoire du Cercle. Il en profite pour citer quelques noms de membres qui l’ont été de très nombreuses années car ils ont eu le bonheur d’atteindre un grand et bel âge : Alfred Broye (93 ans), Paul Blancpain (94 ans) ou Henri Bardy, un autre nonagénaire. Mais il souligne également que le Cercle a fait preuve très vite d’une « réelle ouverture à la jeune génération » puisque les statuts de 1865 fixaient à l’âge de 16 ans la limite pour pouvoir y être reçu.

Venons-en donc à l’étude proprement dite de Martine Amey-Vorlet. L’auteure y part d’un constat : entre le début du XXe siècle et le début des années 1990, la part des plus de 65 ans est passée de 6 à 14% de la population cantonale. La manière dont se déplacent ces personnes constituait donc, et constitue toujours, un sujet dont il s’agit de se préoccuper.  Martine Amey-Vorlet a été rendue sensible à ce sujet en voyant sa propre grand-mère confrontée à ce problème. Elle a envisagé la problématique dans son ensemble en s’intéressant à de nombreux aspects comme la mobilité internationale, pendulaire, résidentielle, de loisir, etc. Elle a démontré qu’il n’était pas toujours aisé pour les seniors de pouvoir rester chez eux. Même si la possibilité existait pour les plus chanceux grâce aux services d’aide sociale de la capitale dépendant de trois organisations : la section fribourgeoise de la Croix-Rouge, la Fédération fribourgeoise des services d’aide familiale et Paramédica Service SA. L’auteure évoque également l’existence d’immeubles réservés aux personnes âgées, trois en tout et pour tout dans le district de la Sarine, offrant en moyenne une huitantaine d’appartement à des loyers qui feraient rêver à l’heure actuelle puisqu’ils oscillaient entre 300 et 500 francs ! Elle relève également l’existence de 7 homes pour personnes âgées dans le Grand Fribourg.

Dans le chapitre qu’elle consacre à la mobilité de loisir, Martine Amey-Vorlet répertorie les différents organismes offrant des possibilités de déplacement aux seniors. Comme par exemple Pro Senectute, la Croix-Rouge ou le Mouvement des aînés. Mais c’est essentiellement sur les modes de transports qu’utilisent les personnes âgées que porte le travail de l’auteure qui y consacre la moitié de son étude. Elle y constate que le moyen de déplacement le plus utilisé par les seniors demeure la marche à pied. Vient ensuite l’autobus, suivi de près par la voiture. Avec, déjà, le problème du suivi médical des conducteurs plus âgés qui perdent progressivement les facultés indispensables à une bonne conduite. L’occasion pour Martine Amey-Vorlet d’évoquer les services de transports spécialisés destinés aux aînés : la Croix-Rouge et son service de transports bénévoles, le service de taxis vieillesse de Paramédica Service SA ainsi que le service Passe-Partout organisé par Pro Senectute et Pro Infirmis.

L’auteure, dans sa conclusion, se réjouit de la variété des moyens de transports mis à disposition dans le Grand Fribourg tout en insistant sur l’importance de la mobilité pour les retraités. Elle déplore toutefois « le manque d’information en ce qui concerne les revendications et le bien-être des personnes inactives de la société, ainsi que celles n’ayant pas d’automobile, dans la planification régionale des transports ». Comme les retraités constituent l’essentiel de ces personnes que l’on ne prend pas assez en considération, Martine Amey-Vorlet en en appelle à combler cette lacune et à se pencher à tous les niveaux sur les questions en lien avec le vieillissement de la population.

Le Cercle, de son côté, se soucie de ses propres aînés dans le sillage du parti libéral-radical de la capitale avec lequel il a des liens privilégiés. Les archives du Cercle nous ont livré un document datant de 1997 signé par Jean-Claude Bardy. Celui-ci nous apprend que le PLR « a décidé la création du Club des seniors radicaux de Fribourg et environs » qui a pour but d’organiser une rencontre mensuelle ou une visite « à Fribourg, dans les environs ou ailleurs. La première visite a eu lieu le lundi 3 novembre 1997 au centre informatique Swisscom de Villars-sur-Glâne. Et l’on apprend dans ce même document que « sont cordialement invités à participer à cette visite tous les retraités (messieurs et dames) membres du PLR de la Ville de Fribourg, d’un cercle de Sarine-Campagne ou du Cercle littéraire et de commerce ». Nous avons également retrouvé dans les archives la trace de quelques autres visites effectuées dans ce même contexte : la Maison de Ville de Fribourg en 1999, la Cathédrale St-Nicolas en 2002 ou encore Manor la même année. Ce sont également plutôt des anciens qui ont pris l’habitude de partager un repas le premier mardi de chaque mois et ce même si la fréquentation a tendance à baisser.

Pour en revenir au sujet de l’étude de Martine Amey-Vorlet, on constate que, 25 ans plus tard, les moyens de transport se sont considérablement améliorés. Plus de lignes et des cadences bien meilleures en ce qui concerne les transports publics par exemple. Mais aussi une circulation saturée dans laquelle les bus sont noyés vu qu’ils disposent de relativement peu de couloirs prioritaires. Et une situation qui n’est pas prête de s’améliorer avec une population qui augmente et qui vieillit. De quoi explorer de nouvelles possibilités comme le projet de métro câble reliant la gare de Fribourg à l’autoroute A12 avec un arrêt intermédiaire à l’Hôpital cantonal. Un projet pour lequel l’ingénieur Raphaël Casazza, Conseiller général PLR de la ville de Fribourg, a réalisé une étude préliminaire de faisabilité fin 2015.

Pour conclure, nous ne pouvons nous empêcher de faire le lien avec le discours prononcé par l’actuel Président du Cercle, Albert Nussbaumer, à l’occasion du 200e anniversaire. S’exprimant à propos du futur du Cercle, il déclarait : « le Cercle pourrait avoir comme ambition d’être, à l’avenir, plus un laboratoire d’idées qu’un lieu d’influence politique ». Fort de son indépendance, il estimait que le Cercle a et aura un certain nombre de choses à dire. Et notamment à propos du thème du vieillissement de la population qui demeure très actuel.

Il considère que le cercle se devra « de dire que la population vieillit, et que le cri lancé par Pascal Couchepin il y a quelques années doit maintenant trouver une réponse, que nous devons organiser notre société de façon telle que chacun se forme, puis travaille, beaucoup, puis un peu moins, puis plus du tout, tout en vivant correctement ».