Le temps de guerre: 1914 – 1918

Une célébration de l’amitié confédérale encore : en mai 1914, Fribourg se rend à Genève pour commémorer l’arrivée, un siècle plus tôt, des Suisses au Port-Noir. Le Cercle s’associe à la mise sur pied du Contingent fribourgeois.

Le coup de tonnerre de la guerre éclate le 1er août. Il y a trois mois que le Cercle a fêté son Centenaire. On établit un nouveau règlement. Seuls les membres seront admis après dix heures du soir ; la fermeture s’opère à 1 h. du matin, sauf les samedi et dimanche, où l’on pourra demeurer jusqu’à deux heures.

Est-ce l’atmosphère de guerre, les préoccupations dues au conflit ? Le 22 février 1915 paraît une circulaire désabusée. On y constate que des membres influents se distancent : « Le centenaire, à la célébration duquel nous avons voué tous nos soins, n’a pas eu de lendemain ». Cependant, le 31 mai 1915 a lieu dans les locaux du Cercle une conférence de l’ancien président de la Confédération Robert Comtesse sur « L’impôt de guerre ». On se préoccupe de la bibliothèque, vieillie et pas assez fréquentée, pour la rajeunir. Et l’on fait même une démarche auprès d’un Fribourgeois dont l’étoile monte à Paris, sollicitant des livres à l’écrivain et publiciste Victor Tissot.[1]

On se trompait en écrivant que les fêtes du centenaire, en 1914, n’avaient pas de lendemain. On en veut pour preuve que le comité se réunissait, le 8 novembre 1916, pour célébrer la date précise où fut fondé le Cercle littéraire et de commerce. Le procès-verbal vaut d’être cité :

Séance du Comité du 8 novembre 1916, jour anniversaire du Centenaire de la Fondation du Cercle

 Les membres du comité en fonction ont à cœur de se réunir — en même temps que pour prendre certaines décisions administratives — pour fêter en commun le jour précis où, il y a 100 ans, nos prédécesseurs ont décidé la fondation du Cercle littéraire et de commerce. On se souvient qu’il y a deux ans, le 19 avril 1914, le Cercle avait déjà fêté solennellement par un banquet le centenaire de son existence, mais ce n’est que pendant les travaux d’organisation de cette fête que la date exacte — 8 novembre 1816 — de la fondation avait été découverte par le Président en charge M. le Dr E. Dupraz (voir fin du Registre des Protocoles No II). Il convenait donc de donner à nos ancêtres de 1816 une pensée et un témoignage de gratitude en célébrant en petit comité ce jour mémorable et en lisant les noms des fondateurs de notre cher Cercle. Puissent ceux des membres du Cercle qui célèbreront le deuxième centenaire en 2016 joindre dans une même pensée les initiateurs de 1816 et leurs continuateurs de 1916, tous défenseurs des idées de démocratie et de liberté.

Fribourg, le 8 novembre 1916 :

Le comité :

Arthur Blanc, président                     E. Pauchard, caissier

Dr E. Dupraz, vice-président                      Fritz Liniger, inspecteur

Ch.-E. Ochsenbein, secrétaire

La guerre se poursuit. Le Cercle est ouvert aux officiers de l’armée suisse. Les dispositions restrictives des débuts se sont assouplies. Les samedis et veilles de fête, la fermeture du Cercle s’opère à 3 h. du matin, les dimanches et jours fériés à 2 h. et les autres jours à 1 h. Cet horaire est précisé dans l’article 3 des statuts modifiés le 4 mars 1917. Il s’agit de lutter contre les « pedzeurs trop zélés ».

Cependant l’autorité réagit, de son côté d’une manière plus draconienne. « Le gouvernement veut nous obliger à fermer le Cercle à 10 h. du soir ! » proteste-t-on.[2] Les dispositions fédérales en la matière, l’optique cantonale, le régime particulier des Cercles vont provoquer un malentendu qui ira s’exacerbant. On en verra particulièrement les effets en 1919.

La mort frappe, et le Cercle est douloureusement éprouvé. Le 11 septembre, le Lt.-col. Eugène Vicarino, qui fut président de 1917 à 1919, est atteint à la frontière d’un éclat de grenade. Puis ce sont les heures tragiques de 1918. Le Régiment fribourgeois est mobilisé, cependant que la grippe moissonne. Le Cercle fait tenir une adresse au Commandant du Régiment.

Les heures douloureuses de la grève générale ont des répercussions dans la vie du Cercle. Elles vont conduire à la démission de quatorze membres, mécaniciens, chauffeurs et ouvriers des CFF, qui ont suivi l’ordre de grève et se trouvent désavoués.[3]

Selon sa vocation, le Cercle s’est ouvert aux officiers internés. Dans un témoignage spontané, le capitaine français Bongarçon exprime sa gratitude pour l’accueil fraternel qui lui fut réservé.

Après les jours noirs, l’aube s’annonce. Le Régiment 7, son devoir accompli, rentre dans ses foyers. Son commandant, le Lt.-col. Roger de Diesbach, en date du 5 janvier 1919, envoie un télégramme :

Le régiment tout à la joie du retour remercie le Cercle littéraire et de commerce de sa sympathie…

[1] Protocole du 8 septembre 1916

[2] Protocole du 11 novembre 1917

[3] Lettre du 7 décembre 1918 annexée au protocole de l’assemblée générale du 22 décembre 1918