Ceux qui assurèrent le « quotidien »

Le Cercle connut, pour son exploitation, des serviteurs dévoués. De 1906 à 1922, soit durant plus de seize ans, Mme Eugénie Avanthey demeura fidèle à son poste. M. Gaston Genoud, de Gruyères, fut nommé en 1930; il remplaçait M. F. Lorson. M. Georges Pernet, en 1948, installe une forme nouvelle d’exploitation. Le café est supprimé. Il est remplacé par une salle réservée aux membres. La grande salle est un dancing le soir et demeure établissement public durant la journée. L’établissement est correctement tenu ; il a l’avantage de supprimer une certaine clientèle du moment, qui n’était guère désirée. Mais le « règne » de M. Georges Pernet sera très court, car la maladie l’enlève prématurément. Et c’est au mois de juin 1948 que le Cercle confie son établissement à M. René Vuichard, de Bulle, qui lui assure depuis tantôt deux décennies une marche qui fait honneur à ses qualités professionnelles.

La forme actuelle d’exploitation permit des restaurations et des aménagements divers, effectués notamment en 1948 et jusqu’en 1950, puis en 1954. Les lourds soucis d’antan ne sont plus que souvenirs. Lors de la reddition des comptes de 1951, plusieurs membres rappelaient les préoccupations de l’avant-guerre, lorsqu’en 1938 la caisse était vide, les locaux par la force, négligés et où il était question de vente…

Les événements extérieurs n’ont guère eu de prise, depuis 1939, sur la vie du Cercle. La dernière guerre elle-même, ne manifeste que peu de résultantes, sinon par un certain aspect anecdotique. Lors de la campagne de récupération, en 1944, les galetas de l’immeuble furent assainis, débarrassés de deux pleins camions de « vieilleries » … Mais on conserva des tableaux, photos et statues, souvenirs des temps glorieux…

L’activité du Cercle s’est amenuisée, sans doute. Le nombre des membres a diminué. I1 était de 57 à la fin de 1948. Une révision partielle des statuts, sanctionnée le 5 mars 1952, limite l’effectif à 60 membres.

Quelques membres émirent le désir que fût précisée la situation entre le Cercle et « le parti ». La position favorable sur le plan financier permet, dans l’esprit et dans les faits, une attitude de soutien efficace envers l’organe de presse du parti libéral-radical, « L’Indépendant ». Le nombre relativement modeste des cotisants met le Cercle à l’abri de mouvements ou de pressions qui pourraient s’exercer par une action de clans.

La « stabilité gouvernementale » préside à la vie du Cercle littéraire et de commerce. Son président, M. Henri Bardy, (qui dirige depuis 1920 la Chambre fribourgeoise du commerce et de l’industrie), ayant été reçu membre du Cercle, comme étudiant, le 22 décembre 1918, a donc tantôt à son actif un demi-siècle de sociétariat. Ayant 21 ans lors de sa réception, il a « respiré » la vie du Cercle, en connaît les arcanes, vécut les grandes heures comme les périodes difficiles. Aux moments critiques, il sut préserver l’avenir. Nommé président le 18 avril 1934, il, accomplit donc, en 1966, pour les fêtes du cent-cinquantième anniversaire, sa trente-deuxième année à la tête du Cercle littéraire et de commerce. Pour qui sait ce que représente d’attention, de dévouement, la conduite d’un mouvement ou d’une société, cette longue fidélité est parlante davantage que toutes les périodes oratoires ou les témoignages de reconnaissance.

Les temps actuels font que l’on ait été conduits à faire davantage d’administration que d’action idéologique. Cependant, l’esprit subsiste. Une révision partielle des statuts, sanctionnée le 14 mai 1962, exige l’appartenance durant 10 années au parti libéral-radical pour faire acte de candidature du Cercle. La vieille garde demeure. Le lecteur trouvera en appendice la liste des membres honoraires proclamés à partir du 1er février 1951.

Il faut relever que M. Alfred Broye décéda en 1960, â l’âge de 93 ans. Ayant été reçu au Cercle en 1889, il en fut donc membre durant 72 ans ! Qui propose exemple de stabilité et de fidélité mieux éprouvé ? L’an 1959 connut le décès de Me Wilhelm Bartsch, qui fut président du Grand Conseil et le présida aussi comme doyen d’âge; Me Bartsch trépassa au bel âge de 84 ans. Décédé en 1954, M. Auguste Vicarino fut membre du Cercle durant soixante ans. En 1964, décédait M. Paul Blancpain, à l’âge de 94 ans. Doyen du Cercle, il en était naturellement membre honoraire; ayant été reçu en 1896, il fut donc sociétaire durant soixante-neuf ans ! L’appartenance au Cercle littéraire et de commerce semble offrir un brevet de longévité…

Mais si le Cercle se tourne vers le passé, par l’événement exceptionnel que constitue un cent-cinquantième anniversaire, il envisage aussi les perspectives de l’avenir, se préoccupant de réalisations. Depuis 1963, des études sont faites pour la reconstruction du bâtiment. Projets et maquettes ont été conçus, auxquels les arrêtés sur la surchauffe ont imposé le temps de la réflexion et celui du mûrissement.

Les temps nouveaux ont engagé le Cercle littéraire et de commerce dans un style qui n’est plus celui des luttes et des déclarations quelquefois flambantes d’autrefois. L’époque présente conduit à un certain réalisme. Si l’on se méfie des mots « avec majuscules », c’est que l’histoire et les événements dont le cours est récent ont indiqué aux hommes que leurs désirs doivent être empreints de lucidité.

Le « Cercle », en 1966, s’appuie sur des réalités qui ne manquent pas de revêtir d’agréables certitudes. En filigrane, se discerne une continuité. Allant audacieusement à l’an 2016, les Fribourgeois qui célébrèrent le 100ème anniversaire joignaient dans une même pensée les initiateurs de 1816, les continuateurs de 1916, défenseurs des idées de démocratie et de liberté. Nous voici au terme moyen de 1966, célébrant un cent-cinquantième anniversaire.
« Carpe diem ! » Vivant l’heure présente, les membres du Cercle littéraire et de commerce associés à la célébration songeront que, si l’avenir est à Dieu, d’en assurer certaines directions dépend de leur volonté !